“Regard sur le passé”, l’histoire fascinante d’une œuvre signée de Bembeya Jazz National

“Regard sur le passé”, l’histoire fascinante d’une œuvre signée de Bembeya Jazz National

Dix ans après l’indépendance de la Guinée, le président Ahmed Sékou Touré, après avoir négocié avec l’état gabonais sur le rapatriement de la dépouille de Samory Touré, y compris celle d’Alpha Yaya Diallo (autre résistant, roi de Labé, décédé en Mauritanie). Il sollicite auprès des acteurs culturels du pays, plus particulièrement les orchestres, une chanson de mémoire dédiée aux martyrs ayant combattu contre la pénétration coloniale.

Bembeya jazz National

Dans ce défi lancé par le président guinéen, le Bembeya Jazz a pu mettre en musique un récit, dans la grande tradition des griots. “Regard sur le passé”, morceau paru en 1969 qui allait inspirer bien d’autres orchestres tels que le Super Mama Djombo, Rail Band etc. Selon Pan African Music, l’histoire de cette chanson a vu le jour en septembre 1968. Le Bembeya Jazz, devenu orchestre national trois ans plus tôt, relève le défi.
Répétition après répétition qui sont suivies par le président Ahmed Sékou Touré lui-même, en compagnie avec Aboubacar Kanté, le patron du label d’état Syliphone. Des griots, maîtres de la tradition, sont consultés, tout comme des idéologues du parti unique (PDG), parce que “Regard sur le passé”, considéré comme le plus grand œuvre du Bembeya, doit aussi servir le présent et la cause du régime. Finalement, le 02 octobre, jour de la fête d’indépendance, le Bembeya joue pour la première fois ce morceau en intégralité au Palais du Peuple de Conakry. Comme le racontent Justin Morel junior et Souleymane Keita dans leur ouvrage consacré au Bembeya Jazz National, le chanteur vedette Aboubacar Demba Camara apparaît sur scène revêtu des atours que portaient les sofas (cavaliers) de Samory Touré.

L’épopée fait mouche , elle débute sur une longue descente de balafon, reprise à l’identique par la guitare de Sékou Diabaté alias Diamond Fingers. Modernité enracinée dans la tradition, ou mieux, comme l’aurait dit Sékou Touré, « authenticité ». Puis, le reste de l’orchestre se met en branle et ouvre la voie au chant clair de Demba Camara.
Sékou « le Growl » Camara s’occupe du récit en français :
« L’air que vous entendez est une composition en l’honneur de l’empereur du Wassoulou, l’Almamy Samory Touré, dont la lutte anticolonialiste a donné naissance aux plus belles chansons de geste d’Afrique. Ecoutez, écoutez fils d’Afrique, écoutez femmes d’Afrique, écoutez aussi jeunes d’Afrique, espoir de demain, une page de la glorieuse histoire africaine. »
Après quelques modifications apportées par le président Sékou Touré lui-même, il enregistre dans les jours suivants le disque “Regard sur le passé”. L’épopée chantée en malinké mais racontée en français sera comprise par tous les Guinéens, et bien au-delà des frontières de la Guinée.

Cheick Ahmed Tidiane Sylla

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