Portrait de la semaine : Sia Tolno un artiste au parcours hors du commun…
C’est à Guéckédou, ville située au sud-est de la Guinée, à proximité immédiate des frontières avec le Liberia et DE la Sierra Leone, que Sia Tolno nait le 21 février 1975, dans une famille où la musique a toute sa place puisque sa mère possède alors une boîte de nuit et chante aussi le répertoire traditionnel.
Mais l’ambiance change radicalement quand ses parents se séparent et que, à six ans, la fillette suit son père en Sierra Leone où ce professeur de français se montre très sévère. Le quotidien est placé sous le signe de l’austérité. Il devient impossible d’écouter de la musique à la maison, et il n’y en a pas non plus à l’église des Témoins de Jéhovah qu’ils fréquentent.
Sia, scolarisée dans cet État anglophone, n’est pas une enfant faite pour ce moule : à l’école, celle qui se rêve avocate, pratique le théâtre, se met à l’écriture. À 14 ans, elle prend pour la première fois le micro comme chanteuse, afin d’interpréter l’hymne national de son pays d’accueil devant les autorités locales.
Durant les vacances, chaque fois, elle retrouve sa famille en Guinée. Par des cousines qui enregistrent un album à Conakry, elle découvre l’atmosphère des studios et fait les chœurs, rôle qu’elle tient aussi pour le chanteur sierra-léonais Steady Bongo qui la sollicite alors qu’elle a 19 ans et vient d’entamer ses études d’informatique.
Sia Tolno contrainte de fuir la guerre pour rejoindre la guinée
La guerre civile qui fait rage la contraint à fuir la Sierra Leone en 1995 pour se réfugier dans sa ville natale, avant que celui-ci ne soit à son tour dévasté par les conflits, amenant Sia à partir pour la capitale Conakry au début des années 2000.
Avec sa voix puissante, elle se fait connaître pour ses reprises de Whitney Houston, Tina Turner, ou même Édith Piaf, en jouant dans les cabarets locaux qui lui servent de centres de formation. Son premier album “La Voix de la forêt (Zool)”, autoproduit en 2001, lui donne l’occasion de chanter en kissi, langue de sa région, et d’aborder plusieurs styles, y compris le zouk.
Récompensée par un Djembé d’or, la jeune femme garde les pieds sur terre et, pour vivre, se lance aussi dans le commerce d’huile rouge avec la Gambie, de poisson séché avec l’Europe. Parce qu’elle pense qu’elle n’a pas trouvé sa voie artistique, elle participe en 2008 à l’émission panafricaine de télé-crochet, “Africa Star”
Au terme des trois mois que dure la compétition, elle se classe quatrième, mais elle a surtout impressionné le chanteur gabonais Pierre Akendengue qui la recommande au producteur de Cesaria Evora. Celui-ci charge alors l’expérimenté Manfila Kanté de réaliser le premier album de sa jeune compatriote.
La culture mandingue, que maitrise l’ancien patron des Ambassadeurs et complice de longue date de Salif Keita, imprègne en profondeur les treize morceaux de “Eh Sanga”, qui paraît en mai 2009. Si ce disque permet à Sia de sortir de l’ombre et de se produire à Paris en novembre en première partie de Cesaria Evora, c’est davantage sur le suivant intitulé “My Life”, en 2011, qu’elle se reconnait artistiquement.
Une carrière internationale toute tracée
Enregistré dans les studios de Mory Kanté, il a bénéficié des arrangements du Français François Bréant (Salif Keita, Idrissa Soumaroro…), lequel s’est accommodé des influences anglophones de la chanteuse.
Invitée en France au festival Musiques métisses d’Angoulême en juin 2011, elle joue également deux soirs de suite dans une salle parisienne. Lauréate du prix Découvertes RFI décerné fin 2011, elle part quelques mois plus tard en tournée en Afrique et dans l’océan Indien pour une trentaine de concerts dans plus de vingt pays. Lors de ce périple naitront des chansons comme “Mouka Mouka”, inspirée par son passage au Kenya.
Son dernier album à ce jour, African Woman, est sorti en juin 2014, sur le même Label que les précédents Lusafrica. Sia a clairement opté pour le style afrobeat, funk tribal plein de groove, fusion des éléments afro-américains du funk, du jazz, de la musique d’Afrique occidentale, de la musique traditionnelle nigériane et des rythmes yoruba, dont le musicien nigérien Fela Anikulapo Kuti est considéré comme l’inventeur. African Woman est d’ailleurs produit par Tony Allen, le batteur de Fela.
Sia Tolno la voix des sans voix
Sia y chante des textes engagés, dénonçant l’excision (« Kekeleh ») et le machisme (« Manu »), la corruption de la police africaine (« African Police »), apostrophant le président dictateur libérien Charles Taylor à propos de ses exactions (« Rebel Leader »), se faisant l’avocate de l’éducation et de l’égalité des femmes et plaidant pour le rôle essentiel des femmes africaines dans le développement de leur continent (« waka waka woman »). Elle y décrit les difficultés de la jeunesse africaine, coincée entre l’autorité parentale et les contraintes sociales (« Idjo Weh »), poussée vers une émigration risquée comme les adolescents Yaguine Koita et Fodé Tounkara retrouvés morts dans le train d’atterrissage d’un avion pour l’Europe (« Yaguine & Fodé »). Sia est particulièrement sensibilisée au sujet puisque son jeune frère a disparu en tentant lui-même d’émigrer vers l’Espagne.
Dans sa critique de l’album, Télérama décrit Sia Tolno comme une « voix polyglotte de caractère … véhiculant une sorte de rage sans céder une once de grâce … un chant tout en énergie et vibrant d’une colère légitime … apportant assez de sensualité pour rafraîchir » l’afrobeat, un genre musclé et rugueux habituellement réservé aux hommes.
Sia travaille actuellement à son prochain album, arrangé réalisé et produit par Nicolas Gueret. ( source rfi et africa 24)
Aicha Traoré
Je suis ému par l’histoire de sia tolno c’est une brave femme et une fierté pour le pays.bon courage à elle pour le prochain album.